Je viens déposer une offrande magnifique qui a un petit goût de bûchette malgré tout :
Je ne suis pas venue sur PA depuis quelques semaines - depuis mon dernier message dans ce topic - et je tenais d'abord à remercier toutes les plumes qui m'ont envoyé leurs bonnes ondes la dernière fois concernant mon entretien d'embauche pour un poste de bibliothécaire. Le jour J, j'ai emporté avec moi toute votre bienveillance et tous vos doigts croisés et c'est incontestablement l'une des choses qui m'a permis de ne pas fuir lorsque j'attendais, assise sur ma chaise dans le hall de la mairie, que l'on vienne me chercher.
Le fait est que contre toute attente, j'ai obtenu le poste. Un poste qui, sur le papier, semble presque fait pour moi. J'en ai pleuré de soulagement et de surprise, tant leur choix (moi) est risqué. Ils me l'ont dit : j'étais l'une de celles qui avait le moins d'expérience, de loin, mais mon "profil atypique" et ma passion leur ont plu.
Je commence mi-novembre puis suis lâchée seule dans la gestion fin décembre (je remplacerai alors la seule bibliothécaire, qui part en retraite). Je n'ai jamais rien géré - je parviens à peine à me gérer au quotidien -, je n'ai jamais eu une telle responsabilité, et la montagne de choses que j'ai à apprendre me terrifie. Je me rends déjà chaque semaine là où je travaillerai pour commencer à observer et à apprendre, bénévolement et à ma demande, mais chaque jour qui passe ne fait que rajouter des questions à mes questions, et des angoisses à mes angoisses. Là est la partie bûchette. En à peine un mois et demi de formation, je ne parviens pas à comprendre par quel miracle je pourrai être prête, fin prête lorsque ce sera mon tour et lorsque les bénévoles viendront me voir toutes les X minutes pour me dire qu'il y a tel problème, qu'iels ne savent pas quoi répondre à telle personne, etc. Ce qui est normal (qu'iels viennent voir la responsable pour obtenir une réponse). Je serai la responsable. Je devrai leur fournir une réponse.
Autour de moi, on me dit que mes supérieur.e.s savent pourquoi iels m'ont choisie, qu'iels devront être indulgent-e-s avec moi parce qu'iels savent que mon expérience en bibliothèque est, somme toute, assez faible. Mais je crois juste qu'iels n'ont pas mesuré à quel point, et vraiment, ça me
terrifie. Mon handicap - dont iels sont au courant sans en connaître vraiment les impacts, je suppose - ressort x 1000 en ce moment, et je ne parviens pas à leur expliquer à quel point je suis perdue. La bibliothécaire est plutôt sympathique avec moi mais très speed et parfois un peu brutale, elle part dans tous les sens, et je sais que je devrai faire une croix sur une formation - une transmission - claire, carrée, ultra-précise, où tout fait sens. Je suis quelqu'un qui a besoin de tout savoir et de tout comprendre pour faire, pour être efficace, pour être utile, mais je sais que nous n'aurons pas le temps. La gestion, la structure, le réseau, le logiciel, le budget, l'accueil des classes, l'accueil des usagers... je ne connais pas le quart de ces choses et nous ne les verrons pas à temps, toutes les deux. Je serai vraiment, vraiment seule, et je n'ai jamais bossé seule.
Je culpabilise et je me déteste. C'est une sacrée belle offrande, pourtant, une magnifique opportunité, quelque chose dont je rêvais depuis des années. En dehors de cette place, je n'ai aucune porte de sortie. C'est une chance que l'on me fasse confiance, mais à l'heure actuelle - et je suis sérieuse -, cette confiance, je ne la mérite pas.